Maroc et Sahara occidental
13.11.15
Interventions urgentes

Poursuite du harcèlement judiciaire de M. Maâti Monjib, M. Hisham Almiraat, M. Hicham Mansouri, M. Mohamed Sber, M. Abdessamad Ait Aicha, M. Rachid Tarek et Mme Maria Moukrim



APPELURGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvellesinformations
MAR 003 /1015 / OBS 088.1
Harcèlementjudiciaire /
Détentionarbitraire
Maroc
13novembre 2015

L’Observatoire pour la protection des défenseurs desdroits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale desligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre latorture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir detoute urgence sur la situation suivante au Maroc.

Nouvellesinformations :

L'Observatoire a été informé par des sources fiablesde la poursuite du harcèlement judiciaire de M. Maâti Monjib, historien,journaliste et président de l'Association « Freedom Now » pour laliberté d'expression au Maroc, et ancien président du Centre Ibn Rochd d'étudeset de communication, de M. Hisham Almiraat, président de l'Associationdes droits numériques (ADN), de M. Hicham Mansouri, chargé de projet àl’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI), de M. MohamedSber, président de l’Association marocaine d’éducation de la jeunesse(AMEJ), ainsi que de M. Abdessamad Ait Aicha, ancien coordinateur duprojet de formation du Centre Ibn Rochd, journaliste et membre de l'AMJI, de M.Rachid Tarek et de Mme Maria Moukrim, respectivement président etancienne présidente de l'AMJI. Les sept défenseurs sont connus pour leurscritiques du régime marocain.

Selon les informations reçues, le 19 novembre 2015,MM. Maâti Monjib, Hicham Mansouri, Hisham Almiraat, Mohamed Sber et AbdessamadAit Aicha devront comparaître devant la Cour de première instance de Rabat. Ilssont accusés d'« atteinte à la sécurité de l’État » pour leursactivités de défense des droits humains menées au sein du Centre Ibn Rochdd'études et de communication, de l'ADN, de l'AMJI et de l'AMEJ et risquent cinqans d'emprisonnement, sur la base de l'article 206 du Code pénal marocain.

L'Observatoire a par ailleurs été informé que M. Rachid Tarek et Mme Maria Moukrim devront égalementcomparaître le 19 novembre devant la même cour dans le cadre de la « mêmeaffaire ». Tous deux sont accusés d’avoir reçu un financement étrangerpour l'AMJI, sans avoir notifié le secrétariat général du gouvernement. Si lescharges sont confirmées, ils seront contraints de payer une amende pouvant allerjusqu'à 10 000 dirhams (environ 920 euros).

L'Observatoire s'inquiète de ces actes de harcèlementà l'encontre de MM. Maâti Monjib, Hicham Mansouri, Hisham Almiraat, MohamedSber, Abdessamad Ait Aicha, Rachid Tarek etMme Maria Moukrim, quivisent manifestement à entraver leurs activités de défense des droits del'Homme.

L'Observatoire rappelle que le 30 mars 2015, leTribunal de première instance de Rabat a condamné M. Hicham Mansouri à dix moisde prison fermes et 40 000 dirhams d’amende (env. 3 700 Euros) pour complicitéd’adultère aux termes des articles 490 et 491 du Code pénal (voir rappel desfaits). À l'heure où nous diffusons cet appel urgent, ce dernier reste endétention.

L’Observatoire appelle les autorités du Maroc à cesser immédiatement toute forme de harcèlement à l’encontre desdéfenseurs susmentionnés, et à libérer immédiatement et inconditionnellement M.Hicham Mansouri en ce que sa détention ne semble viser qu’à entraver sesactivités de défense des droits humains.

L'Observatoire appelle plus généralement les autoritésdu Maroc à se conformer au droit international et aux instrumentsinternationaux de protection des droits de l'Homme ratifiés par le Maroc.

Rappel des faits :

En décembre 2014, leCentre Ibn Rochd d'études etde communication a été fermé, suite à la décision des autorités de suspendreses activités.

Le 24 septembre 2014,M. Hicham Mansouri a été attaqué par deux hommes inconnus dans la rue. Cetteagression est intervenue quelques minutes après une réunion de ce dernier avecson collègue défenseur M. Maâti Monjib.

Le 17 mars 2015, vers10h30, au moins dix policiers en tenues civiles ont forcé la porte d’entrée dela résidence de M. Hicham Mansouridans le quartier d’Adgal à Rabat.Aucun mandat d’arrêt n’a été présenté au moment de l’arrestation. M. Mansouri aété passé à tabac, déshabillé puis arrêté avant d’être placé en détention dansun poste de police de la ville. Lors de son interrogatoire, M. Mansouri a étéinterrogé sur ses relations avec M. Maâti Monjib. Le 30 mars 2015, le Tribunal de première instance deRabat a condamné M. Mansouri à dix mois de prison fermes et 40 000 dirhamsd’amende (env. 3 700 euros) pour complicité d’adultère aux termes des articles490 et 491 du Code pénal marocain. Les avocats de M. Mansouri ont interjetéappel de la décision, estimant que les éléments constitutifs de l’infractionn’étaient pas réunis en l’espèce. Le 27 mai 2015, la chambre d'appel duTribunal de première instance de Rabat a cependant confirmé cette condamnation.De nombreuses irrégularités ont été constatées tout au long du procès, en ceque les témoins appelés à comparaître par la défense n’auraient pas étéentendus par la cour et les éléments de preuve fournis par le ministère publicauraient été insuffisants pour établir l’infraction.

Le 13 août 2015, M. Abdessamad Ayach a été interrogé par la BrigadeNationale de la police judiciaire de Casablanca sur ses relations avec M. MaâtiMonjib.

Par ailleurs, le 8septembre 2015, M. Hisham Almiraatet Mme Karima Nadir, vice-présidentede l’ADN, ont été convoqués au siège de la Brigade nationale de lapolice judiciaire (BNPJ) à Casablanca, où ils ont subi un interrogatoire àpropos des activités de l’ADN et de leur relation avec Privacy International(PI), une ONG britannique et partenaire de l’ADN. Cet interrogatoire faisaitsuite à une plainte déposée par le ministère de l’Intérieur contre un rapportde PI publié le 1er avril 2015, intitulé « Les yeux du pouvoir », portant surla surveillance électronique au Maroc[1].Lors de cet interrogatoire, M. Almiraat et Mme Nadir ont été accusés de «dénonciation calomnieuse », « dénigrement des efforts de l’Etat » et « outrageà corps constitué ». Tous deux avaient été interdits de sortie de territoire.

Le 19 octobre aumatin, M. Maâti Monjib a été interrogé par la BNPJ dans le cadre d’une enquêtepréliminaire sur les activités du Centre Ibn Rochd d’études et de communication– dont il était président avant sa fermeture en décembre 2014. Le 7 octobre aumatin, ce dernier avait été empêché d’embarquer à bord d’un avion à l’aéroportde Rabat-Salé, alors qu’il devait se rendre à Oslo pour un colloqueuniversitaire. La police des frontières lui avait signifié qu’il était interditde quitter le territoire depuis le 10 août 2015, sans plus d’explications. Le29 octobre 2015, son interdiction de quitter le territoire aurait finalementété levée. Précédemment, le 16 septembre 2015, M. Monjib avait été arrêté àl’aéroport Mohamed V de Casablanca alors qu’il devait se rendre à Barcelonepour une conférence sur le thème des médias et de la transition politique, etinterdit de sortie du territoire en vertu d’une interdiction de voyager émisepar le parquet[2].L'avant-veille, M. Monjib avait avait subi un interrogatoire de trois heures ausiège de la BNPJ à propos de formations portant sur l’utilisation del’application « Story Maker »[3]dispensées par le Centre Ibn Rochd – en partenariat avec l’ONG néerlandaise «Free Press Unlimited ». Cet interrogatoire s’était tenu dans le cadre del’enquête préliminaire susmentionnée. M. Monjib avait dû faire face à desquestions accusatrices liées notamment à un prétendu « ébranlement del’allégeance des citoyens à l’État et aux institutions ».

De la même manière,au cours du mois d’août, M. Abdessamad Ait Aicha a également été interdit desortie de territoire sans justification officielle, alors qu’il s’apprêtait àembarquer à l’aéroport Mohamed V à destination de la Tunisie. Quelques joursauparavant, il avait subi un interrogatoire similaire dans le cadre de la mêmeenquête préliminaire.

Actionsrequises :

L’Observatoirevous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :

i. Garantiren toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Maâti Monjib, Hicham Mansouri, Hisham Almiraat,Mohamed Sber, Abdessamad Ait Aicha, Rachid Tarek etMme Maria Makram, ainsi quede l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Maroc ;

ii. Libérerimmédiatement et inconditionnellement M. Hicham Mansouri, en ce que sadétention est arbitraire et ne vise qu’à sanctionner ses activités de défensedes droits de l’Homme ;

iii. Mettreun terme aux actes de harcèlement à l'encontre de MM. Maâti Monjib, Hicham Mansouri, Hisham Almiraat,Mohamed Sber, Abdessamad Ait Aicha, Rachid Tarek etMme Maria Makram, ainsique l'ensemble des défenseurs des droits de l'Homme au Maroc;

iv. Se conformer aux dispositions dela Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée parl’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement :

- son article 1 qui stipule que“chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, depromouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et detoutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

- son article 6 qui stipule que“chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres: a) Dedétenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tousles droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notammentaccès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droitset libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ;b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’hommeet autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer àautrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tousles droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D’étudier,discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, detous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par cesmoyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur laquestion” ;

- et son article 12.2 qui prévoitque “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autoritéscompétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avecd’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto oude jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercicelégitime des droits visés dans la présente Déclaration”.

v. Plus généralement, se conformeraux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme etinstruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiéspar le Maroc.

Adresses: · Son Excellence Abdel-Ilah Benkiran, Premier Ministre du Maroc - Fax: +212 37 76 99 95/37 76 86 56
· Son Excellence Salaheddine Mezouar, Ministredes affaires étrangères et de la co-opération - Fax : +212 - 37-76-55-08 /37-76-46-79, Email : ministere@maec.gov.ma
· Son Excellence El Mustafa Ramid, Ministre dela justice - Place El Mamounia, Rabat, Morocco, Fax : +212 37 72 68 56,Email : ccdh@ccdh.org.ma
· Représentant Permanent du Royaume du Marocauprès de l’Office des Nations Unies à Genève et desautres Organisations Internationales en Suisse - 18a Chemin FrançoisLehmann, 1218 Grand Saconnex, Téléphone :+ (41) 022 791 81 81, Fax : +(41) 022 791 81 80, mission.maroc@ties.itu.int

Prière d’écrire également aux représentationsdiplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève,le 13 novembre 2015

Merci debien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquantle code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, avocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violationset à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pourcontacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail :Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18/ 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39/ 41 22 809 49 29

[1] Lerapport présente des témoignages de journalistes, de militants des droits del’Homme dont M. Almiraat, et d’activistes sur les réseaux sociaux qui sedisent « victimes d’espionnage numérique » de la part des autorités marocaines.

[2] Le 31août, la police des frontières du même aéroport lui avait signifié qu’il était« recherché pour atteinte à la sécurité de l’État ».

[3] L’application« Story Maker » permet la réalisation de reportages photo, audio etvidéo, à partir d’un Smartphone Android.