15.11.21
Communiqués de presse

Europe: Un nouveau rapport met en exergue l'augmentation de la criminalisation des défenseur·e·s des droits des migrant·e·s

Communiqué de presse

Genève-Paris,15 novembre 2021- Ces dernières années, le nombre d’attaques à l’encontre des organisations de défense des droits humains et des militants qui défendent les droits des personnes migrantes a considérablement augmenté en Europe. Le nombre de décès de migrants s’est lui aussi envolé, alors que 1.146 personnes ont perdu la vie en Mer Méditerranée pendant la première moitié de 2021 seulement, et que plus de 40.000 personnes sont mortes noyées depuis 2014. Pourtant, les politiques visant à dissuader la migration et à fermer les frontières prévalent encore sur l’impératif du respect des droits humains et du sauvetage de vies, aussi bien au niveau des États membres que de l’Union européenne. Cette situation, conjuguée à l’amenuisement de l’espace civique dans la région, n’a fait qu’accroître la pression exercée sur les individus et les organisations qui se mobilisent pour défendre les droits des migrant·e·s et viennent en aide à ces personnes en détresse aux frontières terrestres et maritimes de l’Europe, comme le montre l’Observatoire (OMCT-FIDH) dans le rapport qu’il publie aujourd’hui.

Le rapport, intitulé Europe: Open Season on Solidarity (Europe: la chasse à la solidarité est ouverte), propose une analyse des schémas de criminalisation de la solidarité, à travers les voix de celles et ceux qui défendent les droits des migrant·e·s dans toute l’Europe. Ses conclusions sont basées sur 20 entretiens réalisés auprès d’organisations et de défenseur·e·s issus de 11 pays, et auprès de divers réseaux de la société civile qui travaillent sur cette problématique au niveau européen et mondial. On assiste à la mise en œuvre systématique de trois schémas préoccupants sur tout le continent: la création d’un environnement hostile, le renforcement des discours stigmatisants, qui s’apparentent souvent à des discours de haine à l’encontre des migrants et de celles et ceux qui les défendent, et la mise en place d’obstacles visant à freiner le travail de ces défenseur·e·s et de leurs organisations et qui conduit, dans certains cas, à des poursuites pénales.

La diabolisation des migrants qui n’ont pas pu accéder à des canaux sûrs et légaux pour pénétrer en Europe est la première étape de ces attaques perpétrées à l’encontre de celles et ceux qui se montrent solidaires envers eux. Dans bien des cas, la stigmatisation et le discours de haine dégénèrent en actes de violence physique contre les défenseur·e·s des droits humains. A Chypre, en Hongrie ou en Turquie, des campagnes de dénigrement, de diffamation et d’accusations publiques ont contraint de nombreuses organisations à la fermeture ou à l’interdiction. L’Italie et la Grèce ont recours à de nombreux prétextes administratifs pour empêcher les opérations civiles de recherche et de sauvetage en Mer Méditerranée.

« Protéger la vie des personnes est une activité légitime », déclare Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT. « Il est indéfendable que les directives européennes relatives à la migration et les politiques nationales correspondantes criminalisent des individus qui montrent simplement un peu de solidarité envers ces femmes, ces hommes et ces enfants en situation de déplacement. Dans de telles situations, les États devraient systématiquement appliquer la disposition du droit communautaire qui prévoit une aide humanitaire pour les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants sans-papiers. »

Cela donne lieu à des situations comme en France et en Suisse, où sept guides de montagne ont été accusés de traite d’êtres humains après avoir aidé des migrants bloqués dans la neige en plein hiver, ou encore la peine de 13 ans d’emprisonnement à laquelle a été condamné l’ancien maire Domenico Lucano pour avoir accueilli des migrants dans le sud de l’Italie.

« Cette situation va à l’encontre des valeurs fondamentales qui constituent les fondations de l’Union européenne, comme le respect des droits humains, la dignité, l’égalité, la tolérance et la solidarité », explique Alexis Deswaef de la FIDH. « L’UE et les États membres doivent réformer leur approche en matière de migration, en replaçant les droits humains au cœur de leurs politiques et en reconnaissant le rôle fondamental que joue la société civile pour en garantir le respect. Cela implique de s’abstenir de criminaliser, ou de freiner les activités qui visent à défendre les droits des migrants et de mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris via des poursuites pénales à leur encontre ».

Les attaques et les restrictions auxquelles est soumis le travail des défenseurs des droits des migrants documentées dans ce rapport se produisent dans un contexte de diminution progressive de l’espace réservé à la société civile en Europe, qui touche de façon disproportionnée les organisations et les individus qui œuvrent pour défendre les groupes les plus vulnérables et les plus marginalisés de la société. L’Observatoire exhorte l’UE et ses États membres à prendre des mesures d’urgence pour résoudre ce problème et s’assurer que les organisations de la société civile et les défenseur·e·s des droits humains pourront travailler dans un environnement sûr et sans entraves, libre de toute intimidation, harcèlement, restrictions arbitraires, poursuites pénales ou violence.

Lisez le rapport ici (anglais)

L’Observatoire pour la protection des défenseur·e·s des droits de l’Homme (l’Observatoire) a été créé en 1997 par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH. L’objectif de ce programme est d’intervenir afin de prévenir ou de remédier à des situations de répression à l’encontre de défenseur·e·s des droits humains. L’OMCT et la FIDH sont tous les deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseur.e.s des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

  • OMCT: Iolanda Jaquemet à Genève (français, anglais, italien, espagnol) +41 79 539 41 06
  • FIDH: Marc de Boni à Paris (français, anglais) +33 6 722 842 94