Maroc et Sahara occidental
18.06.25
Déclarations

Maroc / Sahara occidental: dégradation de l’état de santé du journaliste sahraoui Mohamed Lamin Haddi, en detention arbitraire depuis 15 ans.

Rabat – Paris - Genève, 18 juin 2025 – L’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains (OMCT-FIDH) exprime sa profonde inquiétude face à la dégradation continue de l’état de santé du journaliste et défenseur des droits Mohamed Lamin Haddi, toujours arbitrairement détenu à la prison de Tiflet 2, à l'est de Rabat (Maroc), depuis 15 ans, malgré de graves allégations de violations de ses droits fondamentaux, notamment le droit à l’accès aux soins et le droit de visite.

L’Observatoire a été informé de la dégradation alarmante de l’état de santé de M. Mohamed Lamin Haddi. Selon sa famille, il n’aurait pas bénéficié de soins médicaux appropriés depuis une hospitalisation en 2016. M. Haddi souffre de septicémie, d’asthme, d’infections chroniques (notamment aux oreilles), de douleurs dorsales, d’insomnies sévères, ainsi que d’une quasi-cécité. Ces affections résulteraient directement d’une négligence médicale et des conditions de détention inhumaines auxquelles il serait soumis.

Depuis son transfert à la prison de Tiflet 2 le 19 juillet 2017, M. Haddi est maintenu dans un isolement prolongé, enfermé dans une cellule souterraine sans fenêtre, privé d’air et de lumière naturelle. Il reçoit une nourriture de qualité médiocre, en quantité insuffisante. Le 13 janvier 2021, M. Haddi a entamé une grève de la faim de 63 jours pour protester contre ses conditions de détention, grève qui s’est achevée par une alimentation forcée imposée par l’administration pénitentiaire.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que M. Haddi s’est également vu coupé de presque tout contact avec l’extérieur. Depuis son transfert à la prison de Tiflet 2, il a été placé dans une cellule d'isolement, sans aucun contact humain, excepté avec sa mère, par téléphone. L’Observatoire rappelle que M. Haddi s'était vu révoquer son droit aux visites familiales en mars 2021, date à laquelle des membres de sa famille avaient été arrêtés et détenus arbitrairement pendant quatre heures pour avoir voulu lui rendre visite. Aujourd’hui, à l'exception de sa mère qu’il peut joindre occasionnellement par téléphone, M. Haddi est privé de toute communication, tant téléphonique qu’en présentiel, avec toute autre personne.

L’Observatoire rappelle également que Mohamed Lamin Haddi avait été arrêté arbitrairement le 20 novembre 2010 à Laâyoune par les services secrets marocains alors qu'il s’apprêtait à rencontrer deux médecins belges pour les accompagner lors de leur visite auprès de plusieurs victimes de coups de feu qui avaient eu lieu lors du démantèlement du camp sahraoui de protestation de Gdeim Izik.

Le 17 février 2013, le Tribunal de Rabat a condamné M. Haddi à 25 ans de prison pour « actes violents envers des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions, avec l’intention de donner la mort » (article 267 du Code pénal du Royaume du Maroc), dans le contexte du macro-jugement de Gdeim Izik. Le 19 juillet 2017, la Cour d’appel de Salé a confirmé la peine de 25 ans de prison prononcée à son encontre par le Tribunal militaire de Rabat.

La détention de M. Haddi viole plusieurs obligations internationales auxquelles le Maroc est parti, notamment les articles 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 16 de la Convention contre la torture, et les Règles Mandela relatives au traitement des détenu·es.

En 2023, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies avait déjà exprimé sa préoccupation concernant l’accès insuffisant aux soins médicaux dans les prisons marocaines et appelé les autorités à prendre des mesures concrètes à cet égard.

L’Observatoire condamne la détention continue de Mohamed Lamin Haddi, ne visant qu’à le punir pour ses activités journalistiques légitimes.

L’Observatoire appelle les autorités marocaines et pénitentiaires à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour garantir sa sécurité, son intégrité physique et son bien-être psychologique ainsi que pour garantir sans délai le droit de M. Haddi à recevoir des visites familiales et ses consultants légaux.

L’Observatoire appelle également à une enquête indépendante, exhaustive et impartiale sur les actes de torture et mauvais traitements qu’il a subis en détention, et à poursuivre les responsables de ces actes conformément à la loi.

L’Observatoire demande la libération immédiate et sans condition de M. Haddi et de tou·tes les défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es au Maroc, ainsi que la fin de toutes les formes de harcèlement, y compris judiciaire, à leur encontre.