Tchad
10.12.24
Déclarations

Tchad : les victimes du « jeudi noir » saisissent la justice

Déclaration conjointe

N’Djamena, Genève - le 10 décembre 2024

Plus de deux ans après les événements tragiques du 20 octobre 2022, appelé « jeudi noir », dix victimes viennent de déposer une plainte auprès des tribunaux de N’Djamena avec le soutien de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) contre une vingtaine de hauts responsables civils et militaires en fonction pendant la transition afin qu’ils soient poursuivis et traduits en justice pour leur implication dans ces massacres. En cette journée internationale des droits humains, les victimes appellent la justice tchadienne à ne pas fermer les yeux sur ces atrocités et à mener des enquêtes indépendantes et impartiales pour établir la vérité, déterminer les responsabilités, et fournir une réparation aux victimes. Elles se réservent le droit de saisir les instances compétentes de l’Union africaine et des Nations unies si elles n’obtiennent pas satisfaction.

Le 20 octobre 2022, des centaines de civils, en grande majorité des manifestants pacifiques, ont été victimes d'une répression brutale par les forces de l'ordre ayant agi en dehors de tout cadre légal. Le rapport publié par l’OMCT et la LTDH en avril 2023 a révélé que plus de 218 personnes ont été tuées, des dizaines de personnes torturées, des centaines blessées, plus de 1300 détenues arbitrairement et au moins 40 personnes disparues. Depuis lors aucune enquête judiciaire n’a eu lieu pour établir les faits, identifier les auteurs, les punir et octroyer des réparations aux victimes. Au contraire les Président de la transition a fait le choix de l’impunité en adoptant une loi d’amnistie générale pour tourner cette page tragique de l’histoire du Tchad.

Ces massacres, survenus en marge de manifestations pacifiques appelant au respect de la Constitution, ont endeuillé de nombreuses familles et plongé la nation tchadienne dans un climat de peur et d'incertitude. La plainte vise les plus hauts responsables civils et militaires de la transition qui à travers une Commission sécuritaire mixte placée sous le commandement du Premier Ministre de Transition Saleh KEBZABO et composée du Chef d’Etat-major Général des Armées (CEMGA), le Commandant de la Gendarmerie, le Commandant de la Garde Nationale et Nomades du Tchad (GNNT), le Directeur Général de la Police, et le Commandant de la Direction Générale des Services de Sécurité des Institutions de l’État (DGSSIE) ont planifié, coordonné et ordonné l’intervention de toutes les formations militaires et paramilitaires particulièrement à N’Djamena, Moundou, Doba, Koumra, Sarh, etc.

De nombreux survivants qui portent encore les séquelles physiques et psychologiques de cet usage excessif et disproportionné de la force, ont déposé une plainte pour torture, tentative d’assassinat ; tentative de meurtre, séquestration, arrestation et détention arbitraire; coups et blessures volontaires; et détention dans un lieu non officiel, des infractions prévues et réprimées par les articles 78, 175, 302 à 304, 307 à 315, 323 et suivants, 325 et suivants du Code pénal et les traités internationaux ratifiés par le Tchad. Les victimes contestent la constitutionalité de la loi d’amnistie qui a été adoptée en violation des dispositions de la Constitution sur le respect du droit à la vie, à l’intégrité physique et la dignité humaine. Son abrogation doit être une priorité absolue dans un État de droit. Elles s’opposent d’office à son applicabilité.

Depuis 2022, le gouvernement tchadien a passé outre toutes les recommandations des organismes internationaux relatifs aux droits humains notamment la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, le Comité des Nations unies contre la torture et le mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU) qui l’ont respectivement invité à ouvrir des enquêtes sur les massacres du 20 octobre 2022.

Nos organisations appellent la communauté internationale à ne pas rester silencieuse face à ces atrocités et à soutenir la quête de justice et de vérité du peuple tchadien. Les victimes du 20 octobre 2022 méritent justice. Sans elle, la paix et la réconciliation au Tchad resteront un mirage.

**Contacts :

- Pour la LTDH : Me Adoum Mahamat Boukar, Président, +235 66 28 80 53, ad.boubar3@yahoo.fr

- Pour l’OMCT : Isidore Ngueuleu, Responsable du bureau Afrique, +41 763741315, icnd@omct.org