Afghanistan
08.11.22

Afghanistan : pour Freshta, l'exil est le seul moyen de rester en vie

Freshta Hakimi, défenseure afghane des droits humains, a trouvé une nouvelle vie en Belgique avec sa mère et ses jeunes frère et soeur.

Freshta est une femme forte, mais en Afghanistan, cela ne suffit souvent pas. “Sans le soutien de l’OMCT, je ne serais pas en vie aujourd’hui”, affirme-t-elle. Défenseure farouche des droits humains depuis son adolescence, la jeune femme a toujours refusé de se laisser faire par la société patriarcale de son pays. Mais lorsque les talibans débarquent chez elle armés de mitraillettes, elle n’a pas d’autre choix que de fuir.

En 23 ans de vie, Freshta n’a d’ailleurs jamais eu beaucoup d’options. Lorsqu’elle perd son père à 12 ans, sa famille consiste en sa mère malade, son petit frère et sa petite soeur. Les femmes et les mineurs ne peuvent pas posséder de biens, alors les oncles de Freshta accaparent leur héritage. La jeune fille travaille pour ramener à manger à la maison.

Une famille sans homme en Afghanistan, c’est une famille en danger. Pour la société afghane, Freshta a un devoir : se marier, pour assurer la protection des siens. En refusant, elle devient l’objet d’un harcèlement constant. “Partout où j’allais, je devais cacher que mon père était mort, sinon des hommes me demandaient en mariage et me menaçaient d’appeler les talibans”. Mais dans un pays où il faut un homme pour toutes les démarches, pour tous les déplacements, il est difficile de garder un tel secret. La famille de Freshta est marginalisée, en danger permanent. Après sept ans de lutte, la jeune femme, épuisée, cède. “Je n’avais d’autre choix que d’abandonner, je ne pouvais plus me battre”.

Dans mon dos, j’ai entendu un taliban crier : elle s’enfuit !”

À 19 ans, Freshta est fiancée à un homme qu’elle n’a jamais vu. “Je pensais être sortie d’affaire, mais j’ai vite compris que ma vie serait encore pire”. L’homme est violent, toxicomane, et a déjà une première femme. Freshta refuse de se marier. Alors les menaces reprennent. La famille de son fiancé est puissante et prête à tout pour briser la jeune femme. Jusqu’à la renverser en voiture. Freshta est blessée. “À mes collègues, j’ai raconté que c’était un accident. Mais j’ai vu mon futur beau-père au volant”.

Le fiancé de Freshta connaît bien les talibans. Lorsqu’ils prennent le pouvoir en août 2021, Freshta et sa famille sont terrorisés. Un jour, le groupe armé débarque dans la cour de leur immeuble en hurlant “Allahu Akbar“. Freshta comprend qu’ils la cherchent. “Je n’avais qu’une seule peur : qu’ils m’attrapent en vie”. La jeune femme s’enfuit par la porte de derrière, suivie de sa mère, de son frère et de sa soeur. “On l’a échappé de très peu. Dans mon dos, j’ai entendu un taliban crier : elle s’enfuit ! J’en fais encore des cauchemars”.

Être une porte-parole pour les femmes afghanes “qui n’ont pas de voix”

Freshta et sa famille se cachent chez des amis, une solution instable et dangereuse pour leurs hôtes. “Nos comptes bancaires étaient bloqués, mais l’OMCT nous a fourni le soutien financier pour aller à l’hôtel”. Nos équipes obtiennent aussi des visas pour que ces quatre personnes, toutes en grave danger, puissent sortir d’Afghanistan. Mais ce qui touche le plus Freshta, c’est de savoir que quelqu’un, quelque part, se soucie d’elle. “L’OMCT est une famille pour moi”. La jeune femme se souvient de sa première rencontre avec Maria, notre chargée de l’assistance aux défenseur.e.s des droits humains, à l’aéroport de Bruxelles. “Je l’ai serrée si fort dans mes bras que j’ai dû lui faire mal”.

Aujourd’hui Freshta vit en Belgique avec sa famille, et elle a enfin le choix. “J’ai repris des études d’entreprenariat, et je continue d’être une porte-parole pour les femmes afghanes qui n’ont pas de voix”. Pour Freshta, l’Afghanistan est pris en otage par la loi patriarcale des talibans et les femmes, qui vivent cette injustice dans leur chair, sont les plus à même de libérer le pays. “Il faut plus de femmes défenseures des droits humains en Afghanistan”, souhaite-t-elle.

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