Russie
01.12.15

Olga et le paradoxe de la lutte contre la torture : Révéler les dysfonctionnements du système juridique, restaurer la confiance en l’Etat

Nizhny Novgorod (Fédération de Russie), 1erdécembreOlga Sadovskaya ne crie pas, elle ne brandit pasde pancartes dans les rues ni ne se plaint des menaces, des inscriptionsinjurieuses peintes régulièrement sur la clôture qui entoure sa maison.

Cette avocate de 36 ans, sobre et posée, quipratique le yoga dans ses moments de loisirs, met ses compétences juridiques etsa rigueur intellectuelle au service de la réparation des exactions et de lalutte contre la torture dans son pays, la Russie, en en faisant en sortequ’elle reste au sommet des préoccupations de l’Etat.

Directriceadjointe du Comité contre la torture, l’organisation lauréate du prixdes droits de l'homme qui apporte une aide psychologique,sociale et juridique aux victimes, Olga seconcentre sur l’aboutissement des affaires de sévices en s'appuyant sur desenquêtes approfondies, des rapports médicaux circonstanciés et des compétencesjuridiques.


« Toutle monde devrait prêter attention à la torture car n'importe qui peut en devenir victime, » explique Olga. « Qu’elle soit tolérée ouque sa pratique soit généralisée signifie que le système juridique de l’État nefonctionne pas correctement dans les cas dénoncés, mais également à tous lesniveaux. »

Ils’agit d’une épreuve de vérité. L’impunité estrévélatrice d’un dysfonctionnement du système juridique.« Rien ne garantit la bonne application de la loi au quotidien dans diversessituations de la vie courante comme dans le cas d’une personne qui demande uncrédit bancaire, saisit la justice pour obtenir réparation, doit faire protégerson enfant contre des actes de violence ou veiller à ce que sa mère bénéficied’une anesthésie, » ajoute-t-elle.

Cetravail de longue haleine finit par payer.Au cours des 13 années passées au Comité, Olga et ses collègues ont présenté 84 plaintes à la Cour européenne des droitsde l’homme, réussi à faire incarcérer plus de 100 agents de police condamnéspour torture, à obtenir l’indemnisation de leurs clients à hauteur de près 46 millions de roubles (soit700 000 de dollars américains) et à sauver la vie de plusieurs personnesen les évacuant de la Tchétchénie.

L’avocateexplique que son travail constitue un défi permanent compte tenu des effortsque déploie le Gouvernement russe pour mettre fin aux activités desorganisations indépendantes de défense des droits de l'homme. Faute d’arguments étayés, le Gouvernement accuse leComité, qui est en partie financé par des donateurs internationaux comme laplupart des ONG, d’être à la solde de l’étranger afin de l’empêcher de recevoirles fonds nécessaires à son fonctionnement.

Ils’agit d’une tactique couramment utilisée contre les militants des droits de l’homme. Plutôt qued’interdire une ONG, certains États bloquent l’accès aux financementsextérieurs par une batterie de mesures restrictives, juridiques,administratives ou d’ordre pratique qui, étant moins évidentes, sont moinssusceptibles d’être condamnées par la communauté internationale.

Même sile Comité risque de ne plus avoir de trésorerie d’ici trois mois, Olga s’investit dans les affaires dont elle estsaisie, mue par une foi indéfectible que son travail vise à rétablir laconfiance dans l’État.


- Par Lori Brumat à Genève, traduction de Nicole Choisi.

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