Burundi
25.07.19
Interventions urgentes

Déclaration conjointe : Une coalition d’ONG locales et internationales condamne fermement la confirmation en appel de la condamnation du défenseur des droits humains Germain Rukuki et demande sa libération immédiate et inconditionnelle

Bruxelles,25 juillet 2019

Le 17 juillet 2019,également Journée mondiale de la justice internationale, la Cour d'appelburundaise de Ntahangwa a confirmé la condamnation du défenseur des droitshumains Germain Rukuki. La décision a été rendue dans le cadre d'une audiencepublique sans que Germain et sa défense aient été notifiés. Ils en ontfinalement été informés le 22 juillet, soit six jours après que la décision aitété rendue.


Arrêté chez lui ily a deux ans, le 13 juillet 2017, et détenu depuis lors, Germain Rukuki a étécondamné le 26 avril 2018 par la Haute Cour de Ntahangwa à 32 ans de prison pour"rébellion", "atteinte à la sécurité de l'Etat","participation à un mouvement insurrectionnel" et "attentatcontre le chef de l'Etat". Il a fait appel de cette condamnation le 29 mai2018. S’ajoutant aux nombreuses autres irrégularités procédurales qui ontaffecté l'affaire, la décision en appel a été rendue plus de six mois après ledélai légal.

"C'estavec grande déception que j'apprendscette décision combien inique et triste. La Cour d'appel n'a pas examiné moncas avec toute l'attention et la prudence qu'il méritait, mais a décidé desimplement confirmer le verdict du tribunal de première instance ",déclare Germain Rukuki aujourd'hui.

Malgré l'attentionde la communauté internationale et la reconnaissance de l'engagement de Germainen faveur des droits humains, la décision du tribunal d'imposer un verdict sévèreà Germain Rukuki reste une erreur judiciaire notable et le résultat d´unecriminalisation illégale dont Germain fait l’objet depuis son arrestation enraison de ses activités passées de défenseur des droits humains avecl'organisation ACAT-Burundi. Ces poursuites exposent la manière dont lui etd'autres défenseurs des droits humains au Burundi sont harcelés et pris pourcible par le système de justice pénale simplement parce qu'ils exercent leurdroit à défendre les droits humains. C'est aussi un exemple emblématique de ladétermination politique continue des autorités burundaises à faire taire lesdéfenseurs des droits humains, ou toute source de dissidence, au Burundi.

"La placede Germain n'est pas en prison. Il doit être libéré, proche de sa famille et deses amis. Il faut reconnaître la légitimité de son travail en faveur de lajustice sociale et de la protection des droits humains ", partagentaujourd'hui les proches de Germain.

Nous, lesorganisations non gouvernementales soussignées, condamnons fermement lacondamnation illégale de Germain et appelons les autorités burundaises à :

· Respecter les normesinternationales relatives aux droits humains, notamment le droit à un procèséquitable, et annuler et réparer cette condamnation injuste en libérant Germainsans plus attendre et sans conditions ;

· Reconnaître la légitimité dutravail des défenseurs des droits humains et cesser de criminaliser lesdéfenseurs des droits humains au Burundi.

L'appui de lacommunauté internationale, des représentations diplomatiques au Burundi, del'Union africaine et de la Commission africaine des droits de l'homme et despeuples, ainsi que des dirigeants régionaux africains en particulier, demeurecrucial à ce stade.

Nous exhortons doncla communauté internationale à :

· Plaider pour la libérationimmédiate et sans conditions de Germain Rukuki ;

· Communiquer leur soutien et leursolidarité à M. Rukuki et à sa famille ;

· Condamner publiquement lespolitiques de harcèlement, ainsi que les arrestations et détentions arbitrairesdes défenseurs des droits humains au Burundi.

Pour toute questiondes médias, veuillez contacter ao@protectioninternational.org // +32 (0)2 609 44 09.

Signataires :

1. AfricanDefenders

2. AmnestyInternational

3. Association Européenne pour la défense desDroits de l’Homme (AEDH)

4. Association Burundaise pour la Protection desDroits Humains et des Personnes Détenue (APRODH)

5. Association des Journalistes Burundais en Exil (AJBE)

6. Coalition burundaise des Défenseur·e·s de Droit Humains

7. Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB CPI)

8. Collectif des Avocats pour la défense des Victimes de Crimes de droit International commis au Burundi (CAVIB)

9. Coalitionde la Société Civile pour le Monitoring Electoral (COSOME)

10. DefendDefenders(East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)

11. Consortium of Ethiopian Human Rights Organizations (CEHRO)

12. Fédération internationale des ACAT (FIACAT) et les ACAT (Action deschrétiens pour l’abolition de la torture) suivantes:

13. ACAT Burundi

14. ACAT Bénin

15. ACAT Congo (BZV)

16. ACAT USA

17. ACAT Suisse

18. ACAT Allemagne

19. ACAT République centrafricaine

20. ACAT Belgique

21. ACAT Espagne

22. ACAT Luxembourg

23. ACAT Madagascar

24. ACAT Liberia

25. ACAT Canada

26. ACAT RDC

27. ACAT Ghana

28. ACAT France

29. ACAT Italie

30. Fédération Internationale pour les Droits humains (FIDH), dans le cadrede l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

31. Forum Pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC)

32. Front Line Defenders

33. International Service for Human Rights (ISHR)

34. LigueBurundaise des Droits de l'Homme Iteka

35. Mouvement des femmes et filles pour la paix et la sécurité au Burundi(MFFPS)

36. MouvementCitoyen pour l'Avenir du Burundi (MCA Burundi)

37. Observatoire de Lutte contre la Corruption et les MalversationsEconomiques (OLUCOME)

38. Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre del’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

39. Protection International

40. Organisation pour laTransparence et la Gouvernance (OTRAG Burundi)

41. Réseau des Citoyens Probes (RCP)

42. SOS-Torture/Burundi

43. Southern Africa Human Rights Defenders Network (SAHRDN)

44. Union Burundaise des Journalistes


Chronologie desévénements dans l'affaire du défenseur burundais des droits humains GermainRukuki

2019

· 17 juillet : la Cour d'appel deNtahangwa rend sa décision sur l'affaire, confirmant la condamnation prononcéeen première instance. La décision a été rendue dans le cadre d´une audiencepublique sans que Germain et son équipe de défense en soient informés. Ilsn’ont été informés que le 22 juillet soit 6 jours après.

· 31 mai : Une audience rapide alieu à la Cour d'appel lors de laquelle les juges confirment la nomination denouveaux juges compétents, ainsi que le nouveau délai pour la décision d'appel(28 juin). Le dossier perdu semble finalement avoir été retrouvé, sans plus dedétails sur sa disparition et sa récupération.

· 27 mars : Le porte-parole de laCour suprême du Burundi informe les médias locaux que le dossier judiciaire deGermain a été égaré lors de la restructuration de la Cour d'appel de Bujumbura.La perte du dossier s'ajoute à de nombreuses autres irrégularités procéduralesqui ont affecté l'affaire.

2018

· 26 novembre : L'audience en appela lieu devant la Cour d'appel de Bujumbura. Un délai de 30 jours est accordépour que la décision d'appel soit rendue. Ce délai n’est pas respecté.

· 5 juillet : La sous-commission desdroits de l'homme (DROI) du Parlement européen demande la libération immédiatede Germain lors d'une résolution d'urgence sur la situation des droits humainsau Burundi.

· 26 juin : Il demande unelibération sous caution pour des raisons médicales et humanitaires. Aucuneréponse n'a été donnée à ce jour.

· 18 juin : Germain est transféré àla prison de Ngozi bien qu'il soit toujours dans un état critique.

· 11 juin : Germain subit uneopération chirurgicale à l'hôpital de Ngozi après s'être fracturé la chevilleen prison.

· 29 mai : Germain fait appel de sacondamnation.

· 16 mai : Le président de lasous-commission des droits de l'homme (DROI) du Parlement européen, PierAntonio Panzeri, appelleles autorités à libérer Germain.

· 8 mai : La Haute Représentante Mogherinifait une déclarationau nom de l'UE dans laquelle elle mentionne spécifiquement le cas de GermainRukuki dans le contexte des préoccupations plus larges en matière de droits humainsdans ce pays.

· 26 avril : Germain est condamné à32 ans de prison par la Haute Cour de Ntahangwa pour "rébellion","menace à la sécurité de l'Etat", " attentat contre le chef del'Etat " et "participation à un mouvement insurrectionnel".Germain est acquitté pour "assassinat" et "destruction debâtiments publics et privés". Ni Germain ni ses avocats ne sont présentslors de la lecture du verdict.

· 3 avril : La deuxième audience alieu devant la Haute Cour de Ntahangwa. L'accusation ne parvient pas àprésenter de preuves concrètes et convaincantes lors des deux procès.

· 13 février : La première audiencea lieu devant la Haute Cour de Ntahangwa. Trois chefs d'accusationsupplémentaires d'"assassinat", de "destruction de bâtimentspublics et privés" et de "participation à un mouvementinsurrectionnel" sont ajoutés.

2017

· 25 août : Des experts de l'ONU demandentla libération du défenseur burundais des droits humains Germain Rukuki.

· 21 août : La Cour confirme sadétention provisoire.

· 1er août : Il est accusé d' "atteinteà la sécurité intérieure de l'État" et de "rébellion" par leTribunal de première instance de Ntahangwa au Burundi, en raison de son travailavec l'ONG ACAT-Burundi.

· 26 juillet : Germain est transféréà la prison de Ngozi.

· 13 juillet : Germain Rukuki estarrêté à son domicile et conduit dans les locaux du Service National deRenseignement (SNR). Il est détenu et interrogé sans la présence d'un avocat.