République démocratique du Congo
17.10.25
Interventions urgentes

République démocratique du Congo : arrestation arbitraire et mauvais traitements à l’encontre de 12 défenseurs des droits humains

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L’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir dans la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de l’arrestation violente suivie de la libération de 12 défenseurs des droits humains membres de plusieurs associations de la société civile et mouvements citoyens de la RDC lors d’une manifestation pacifique, ainsi que des actes de mauvais traitements et du harcèlement judiciaire à leur encontre.

Le 8 octobre 2025, Messrs. Lambick Buna, Benoît Bahati, Gracieux Mabisa, Genti Sefu, Alain Kalala, Emmanuel Chako, membres du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA), Me Christian Kambi, avocat au barreau de la Tshopo, Hernedie Mamiqui, membres de la Nouvelle dynamique de la société civile en RDC (NDSCI), Hosnie Ilengi, membre du mouvement citoyen Filimbi, Angelus Kambale, Heritier Bolukaoto, membre du collectif des mouvements citoyens Amka Congo, et Didier Ekwalanga, membre de Génération Thérèse Kapangala (GTK), ont été violemment attaqués par des individus non identifiés armés de bâtons, pierres et couteaux, alors qu’ils participaient à une manifestation pacifique à Kisangani, province de la Tshopo, dans le nord-est de la RDC.

Les 12 militants ont ensuite été arrêtés par l’inspecteur provincial de la police pour rébellion et trouble à l’ordre public et emmenés dans les locaux de la police criminelle de Kisangani, où ils ont été interrogés en présence de leurs avocats. Tard dans la soirée, ils ont été libérés sur instruction du procureur général près la Cour d’appel de la Tshopo, mais les poursuites à leur encontre pour « rébellion » (Article 133 du livre II du Code pénal congolais) et « trouble à l’ordre public » (Article 176 du même Code) n’ont pas été abandonnées et les militants ont l’obligation de se tenir à la disposition de la justice pendant la durée de la procédure.

Parmi les 12 militants arrêtés, Christian Kambi, Gentil Sefu, Hernedie Mamiqui, Alain Kalala, Emmanuel Chako, Angelus Kambale et Hosnie Ilengi ont été gravement blessés durant la manifestation par des individus malveillants et durant leur arrestation par les forces de sécurité, tout comme Grâce Ndolo, membre de la LUCHA qui participait elle aussi à la manifestation. Les huit défenseur·es des droits humains se trouvent dans un état préoccupant au moment de la publication de cet Appel Urgent, sans qu’aucune prise en charge sanitaire appropriée ne leur ait été offerte.

Les militants ont été arrêtés alors qu’ils participaient à une manifestation pacifique organisée à Kisangani pour demander la libération du défenseur des droits humains Jedidia Mabela, condamné le 2 octobre 2025 par le Tribunal de paix de Kisangani Makiso à six mois de prison ferme pour « propagation de faux bruits » et « imputation dommageable », suite à des dénonciations publiques sur la mauvaise gouvernance du gouvernement provincial de la Tshopo, et arbitrairement détenu à prison centrale de Kisangani.

Conformément à l’article 26 de la Constitution de la RDC, le collectif des mouvements citoyens avait adressé une correspondance officielle au maire de Kisangani le 6 octobre 2025 pour l’informer de la tenue de cette manifestation, en précisant la date, l’horaire, le parcours et le motif de la marche. Le 7 octobre 2025, le maire de la ville avait reçu le collectif des mouvements citoyens afin de discuter de l’itinéraire de la marche.

L’Observatoire rappelle que ces actes se produisent dans un contexte d’attaques systématiques contre les défenseur·es des droits humains et de restriction manifeste de l’espace civique en RDC, en particulier depuis l’accession à un second mandat du président Félix Tshisekedi en décembre 2023. La situation des journalistes et défenseur·es des droits humains s’est par ailleurs gravement détériorée depuis janvier 2025, avec l’intensification du conflit à l’est du pays entre le M23, soutenu par l’armée rwandaise selon les Nations unies, et l’armée régulière de la RDC (FARDC) et ses alliés. Les groupes armés rebelles et le gouvernement congolais réduisent au silence les voix qui dénoncent les abus et violations des droits humains dans les territoires occupés par le M23 comme dans le reste du pays. Le rapport final de la mission d’établissement des faits des Nations unies sur les provinces du Nord et Sud-Kivu de la RDC qualifie même ces attaques contre la société civile de “suppression de l’espace civique”.

L’Observatoire condamne fermement l’arrestation arbitraire de Lambick Buna, Benoît Bahati, Gracieux Mabisa, Genti Sefu, Alain Kalala, Emmanuel Chako, Me Christian Kambi, Hernedie Mamiqui, Hosnie Ilengi, Angelus Kambale, Heritier Bolukaoto et Didier Ekwalanga, ainsi que les actes de mauvais traitements auxquels ils ont été soumis, qui ne semblent viser qu’à restreindre leurs droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression, et à entraver l’exercice légitime de leurs activités de défense des droits humains.

L’Observatoire appelle les autorités congolaises à abandonner immédiatement toutes les poursuites judiciaires contre les 12 activistes et à mettre fin à tout forme de harcèlement judiciaire à leur encontre, ainsi qu’à ouvrir une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur les actes de mauvais traitements qu’ils ont subis.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances la sécurité, l’intégrité physique, le bien-être psychologique et l’accès à des soins de santé adéquats de Lambick Buna, Benoît Bahati, Gracieux Mabisa, Genti Sefu, Alain Kalala, Emmanuel Chako, Me Christian Kambi, Hernedie Mamiqui, Hosnie Ilengi, Angelus Kambale, Heritier Bolukaoto, Didier Ekwalanga, Grâce Ndolo, et de tou·tes les défenseur·es des droits humains en RDC, et veiller à ce qu’ils et elles puissent exercer leurs activités sans entraves ni peur de représailles ;

ii. Abandonner les poursuite et mettre fin à toute forme de harcèlement – y compris au niveau judiciaire – à l’encontre de Lambick Buna, Benoît Bahati, Gracieux Mabisa, Genti Sefu, Alain Kalala, Emmanuel Chako, Me Christian Kambi, Hernedie Mamiqui, Hosnie Ilengi, Angelus Kambale, Heritier Bolukaoto et Didier Ekwalanga, et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains en RDC ;

iii. Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur les actes de mauvais traitements à l’encontre de Lambick Buna, Benoît Bahati, Gracieux Mabisa, Genti Sefu, Alain Kalala, Emmanuel Chako, Me Christian Kambi, Hernedie Mamiqui, Hosnie Ilengi, Angelus Kambale, Heritier Bolukaoto, Didier Ekwalanga et Grâce Ndolo, afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ;

iv. Garantir en toutes circonstances les droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression dans le pays, tels que consacrés par le droit international des droits humains, et en particulier par les articles 11 et 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, et les articles 21 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

v. Respecter en toutes circonstances les dispositions de la loi n° 23/027 du 15 juin 2023 relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l’Homme en RDC, notamment ses articles 13, relatif au droit d’informer sur les violations des droits humains, 14 et 18 relatifs à la protection des défenseur·es, et 15 relatif à la punition des violations commises à l’égard des défenseur·es.

Adresses :

  • S.E. M. Félix Tshisekedi, Président de la République, E-mail : cabinet@presidentrdc.cd, X : @FelixUdps ;
  • Mme Judith Suminwa Tuluka, Première ministre, E-mail : cabinet@primature.cd, X: @SuminwaJudith ;
  • M. Guillaume Ngefa, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, E-mail : minjustdh@gmail.com, X : @NgefaGuillaume ;
  • M. Samuel Mbemba Kabuya, Ministre des droits humains, E-mail : min-droitshumains@yahoo.fr, X : @SamuelMbemba4;
  • M. Élie-Léon Ndomba Kabeya, Premier président de la Cour de cassation, E-mail : premier-president-ndomba@cassation.cd, X : @ndomba_elie ;
  • M. Firmin Mvonde, Procureur Général près la Cour de cassation; E-mail : pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com ;
  • M. Paul Empole, Ambassadeur, Représentant permanent de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies à Genève, Suisse, E-mail : missionrdc@bluewin.ch / drcgeneva15@gmail.com
  • M. Christian Ndongala Nkuku, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, Belgique, E-mail : secretariat@ambardc.eu.

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République démocratique du Congo dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 15 octobre 2025

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :

  • E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
  • Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
  • Tel OMCT : + 41 79 539 41 06