République de Chine
03.02.22

Zhang Zhan, une « âme rebelle » qui a révélé la vérité sur le Covid-19

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Début février 2020, Zhang Zhan se promenait dans les rues vides et les couloirs des hôpitaux bondés de Wuhan, son téléphone à la main. Les vidéos parfois hésitantes qu’elle a postées sur YouTube montrent une ville de 11 millions d’habitants en confinement strict, un crématorium actif jour et nuit, des magasins vides et des policiers menaçants qui l’empêchent de filmer. Ces reportages nous ont donné un rare aperçu de l’épicentre de la pandémie du Covid-19, alors que le gouvernement chinois s’efforçait de cacher la véritable ampleur de la maladie.

L’avocate, devenue « journaliste citoyenne », était pleinement consciente des risques qu’elle encourait, dans un pays qui ne tolère aucune forme de contestation. « Je dois avoir une âme rebelle », dit-elle dans l’une de ses vidéos. « Je ne fais que documenter la vérité. Je n’arrêterai pas de faire ce que je fais, car ce pays ne peut plus retourner en arrière ».

Zhan a continué à poster ses vidéos, 122 au total, et à répondre à des interviews pour les médias internationaux jusqu’au 14 mai, date de sa disparition, peu de temps après son retour à Shanghai. Lorsqu’elle est réapparue, elle était en détention, et en grève de la faim.

Le tournant

Ce n’était pas la première fois que Zhan bravait les autorités. En septembre 2019, elle avait été arrêtée après avoir ouvert un parapluie en plein Shanghai demandant la fin de la mainmise du Parti communiste sur le pouvoir, en solidarité avec les manifestations pro-démocratiques à Hong-Kong. Elle a été libérée deux mois plus tard, après une première grève de la faim.

Début 2020, elle avait été profondément bouleversée en lisant une publication en ligne qui décrivait Wuhan comme « une ville abandonnée qui laisse mourir ses habitants ». Le 1er février 2020, elle a acheté un billet de train et s’est rendue à Wuhan, quelques jours avant que la ville ne soit complètement coupée du reste du monde. « Je n’avais aucune connaissance médicale », dira-t-elle plus tard. « J’ai juste suivi mon cœur ». Et son sens aigu de la justice. A Wuhan, l’avocate devenue journaliste citoyenne a affronté le climat de peur généralisé pour enquêter auprès des familles des victimes du Covid-19 qui avaient tenté de demander des comptes aux autorités, avant d’être victimes de harcèlement.

Pour le frère de Zhan, sa conversion au christianisme en 2013 fut l’élément déclencheur. Peu de temps après sa conversion, la jeune et brillante avocate a commencé à soutenir des causes en lien avec les droits humains et à militer sur un plan politique. En signe de représailles, les autorités lui ont retiré sa licence d’avocate.

A Wuhan, elle assiste à un concentré d’autoritarisme da la part du gouvernement, qui minimise le nombre de décès, rejette toute enquête sur l’origine de la pandémie et envoie des militaires pour gérer la sécurité publique. Pour elle, toutes ces actions ne sont que « violations, persécutions et autorité excessive» et n’ont « finalement, que peu de choses à voir avec la gestion de la pandémie ».

Le 28 décembre 2020, elle devient la première journaliste citoyenne condamnée en Chine pour ses enquêtes sur la pandémie. Officiellement, le tribunal de Shanghai l’a condamnée à une peine de quatre ans pour avoir « attisé des querelles et provoqué des troubles », un chef d’accusation souvent utilisé pour faire taire les dissidents. Depuis son fauteuil roulant, elle a déclaré au juge: « Votre conscience ne vous dit-elle pas que c’est mal de me mettre sur le banc des accusés? »

« Elle est tellement obstinée »

A ce moment-là, l’état de santé de Zhan s’était déjà fortement dégradé suite à ses grèves de la faim intermittentes. D’après son avocat, elle avait été nourrie de force à l’aide d'une sonde nasale qu'on l'avait empêchée de retirer. Elle souffrait de malnutrition, d’ulcères douloureux et de rétention d’eau au niveau des membres.

A l’extérieur de la Chine, Zhang Zhan était applaudie pour son insatiable quête de vérité. En novembre 2021, à 38 ans, elle a reçu le prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse, dans la catégorie courage. Plusieurs institutions, dont le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme des Nations unies, l’Union européenne et le Département d’État américain, ont demandé sa libération.

Le gouvernement n’a pas accordé de droit de visite familiale à Zhan, mais elle a pu parler à sa mère à deux reprises, par appel vidéo. Suite à leur dernier échange, le 28 octobre 2021, sa mère a indiqué que Zhan, qui mesure 1m77, pesait moins de 40 kilos et était tellement affaiblie qu’elle ne parvenait même plus à relever la tête sans aide. « J’ai pleuré pendant plusieurs heures après cette conversation », a déclaré sa mère sur Radio Free Asia. Au même moment, son frère a publié un tweet: « Elle est tellement obstinée. Je pense qu’il ne lui reste pas longtemps à vivre. Elle risque de ne pas survivre au froid de l’hiver qui arrive. J’espère que le monde se souviendra de qui elle était. »

La famille a tenté d’obtenir une libération conditionnelle pour raisons médicales mais avait peu d’espoir que la demande aboutisse. La Chine est connue pour les cas de défenseur.e.s des droits humains morts en prison, ou peu de temps après leur libération, comme Cao Shunli et le lauréat du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo.

Au moment même où les Jeux olympiques d’hiver commencent, l’état de santé actuel de Zhang Zhan reste inconnu.

Participez à notre appel pour libérer Zhang Zhan!