Niger
22.08.23
Blog

Sahel : La stabilité de la région passe par le retour de la société civile

La crise migratoire qui prévaut au Niger depuis plusieurs décennies s’est récemment étendue au Maghreb avec des milliers de migrants subsahariens en Tunisie, en Libye et en Algérie © Shutterstock

Après le coup d’Etat du 26 juillet au Niger, quatre des cinq pays du Sahel sont désormais dirigés par des juntes militaires. Depuis au moins trois ans, la grave crise sécuritaire et humanitaire qui sévit dans la région s’est transformée en crise constitutionnelle et démocratique. Résultat : une réduction sans précédent de l’espace civique et de nombreuses violations des droits fondamentaux.

L’argument de la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel et sur l’ensemble du continent africain a justifié ces dernières années le mépris de la démocratie et des droits humains. A plusieurs reprises, des constitutions ont été modifiées ou bafouées pour favoriser l’arrivée ou le maintien au pouvoir de présidents dont les mandats étaient arrivés à terme, au nom de la stabilité régionale.

Ces régimes supposément démocratiques ont adopté des réglementations antiterroristes floues et liberticides favorisant une restriction sans précédent de l’espace civique. Des régimes d’exception en vigueur depuis au moins 2015, leur permettent de faire passer des lois qui nuisent à l’exercice des droits et des libertés des personnes.

Entre 2018 et 2021, plus de 50 manifestations ont été interdites par les autorités au Niger et au Tchad sous prétexte de lutte contre le terrorisme

Partout dans le Sahel, des défenseur.e.s des droits humains membres ou partenaires de notre réseau SOS-Torture sont menacé.e.s de mort, emprisonné.e.s et parfois torturé.e.s en raison de leurs opinions sur la gouvernance du pays.

Les solutions militaires à des problèmes sociaux décrédibilisent la démocratie et normalisent la prise de pouvoir politique de l’armée. Au Tchad, le coup d’Etat militaire a été accepté par de nombreux leaders du Sahel, sous prétexte que l’armée était la seule garante de la stabilité régionale. Pourtant, les massacres de civils, les arrestations d’opposants politiques et de défenseurs des droits humains se sont multipliés. Même le Sénégal, qui faisait figure d’exception démocratique dans la région, utilise désormais l’argument sécuritaire au détriment des libertés publiques.

Le spectre d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) au Niger est préoccupante pour l’ensemble de la région. La crise migratoire qui prévaut au Niger depuis plusieurs décennies s’est récemment étendue au Maghreb avec des milliers de migrants subsahariens en Tunisie, en Libye et en Algérie. Une intervention militaire pourrait entrainer d’autres déplacements forcés.

Les militaires sont les premiers responsables des violations des droits humains que nos organisations dénoncent quotidiennement. Leur présence au pouvoir, loin d’assurer la stabilité de la région, la met en danger. La société civile qui a été attaquée ces dernières années au prétexte de la lutte contre le terrorisme doit être réhabilitée. Ce sont ces acteurs locaux qui restaureront l’ordre démocratique en Afrique.