Côte d’Ivoire : à l’approche de l’élection présidentielle, les défenseur·es des droits humains doivent être protégé·es et l’espace civique respecté
La prochaine élection présidentielle ivoirienne aura lieu le 25 octobre 2025. Au cours de la période pré-électorale, des actes de violence et de restriction de l’espace civique de la part des autorités ont été constatés. L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains (Fédération internationale pour les droits humains - FIDH et Organisation mondiale contre la torture - OMCT), la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO), le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) et la Coalition ivoirienne des défenseur·es des droits humains (CIDDH) expriment leur vive inquiétude face au climat de fortes tensions dans le pays et rappellent aux autorités ivoiriennes leur obligation de garantir la sécurité des défenseur·es des droits humains et l’ouverture de l’espace civique en toutes circonstances, et particulièrement en période électorale.
Abidjan-Paris-Genève - 24 octobre 2025. Le samedi 25 octobre 2025, les citoyen·nes ivoirien·nes sont appelé·es aux urnes pour élire leur prochain·e président·e. À l’occasion de ce scrutin, les candidatures de plusieurs figures majeures de l’opposition ont été invalidées en septembre 2025 par le Conseil constitutionnel. Parmi les candidat·es retenu·es figurent Alassane Ouattara, actuel Président de la République au pouvoir depuis 2011, et Simone Éhivet, ex-épouse de l’ancien Président Laurent Gbagbo et Première dame de Côte d’Ivoire de 2000 à 2011.
Les partis d’opposition, particulièrement le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Tidjane Thiam, et le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA – CI) de Laurent Gbagbo, ont initié une série d’actions pour protester contre ces décisions et réclamer la tenue d’un dialogue politique. Une manifestation pacifique était prévue pour le 4 octobre 2025, mais celle-ci a été interdite par arrêté préfectoral le 2 octobre, pour « risques de troubles à l’ordre public ». Le même jour, le Conseil national de sécurité a ordonné que « toutes les dispositions nécessaires pour maintenir l’ordre et la sécurité, y compris l’interdiction des meetings et manifestations publiques visant à contester les décisions du Conseil Constitutionnel » soient prises, et a déployé 44 000 éléments des Forces de défense et de sécurité sur tout le territoire en invoquant la sécurisation du processus électoral.
Une autre manifestation, prévue pour le 11 octobre 2025 a, elle aussi, été interdite par un nouvel arrêté préfectoral du 10 octobre 2025 portant interdiction de toute manifestation publique sur le territoire du département d’Abidjan pour le 11 octobre. Cependant, des manifestant·es qui ont tenté de se réunir le 11 octobre ont été durement réprimé·es par les forces de l’ordre, notamment à l’aide de gaz lacrymogènes. À l’issue de la manifestation, 237 personnes ont été interpellées à Abidjan et 18 à Dabou.
Le 17 octobre 2025, un arrêté ministériel a été pris, interdisant « les meetings et manifestations publiques des partis ou groupements politiques sur toute l’étendue du territoire national » pour une durée de deux mois, à l’exception de « ceux qui s’inscrivent dans le cadre de la participation au processus électoral relatif à l’élection du Président de la République du 25 octobre 2025 ». Pour autant, des partis d’opposition ont annoncé la poursuite des manifestations « tous les jours et sur toute l’étendue du territoire ». À ce jour, suite à ces manifestations et d’après les informations recueillies par les organisations signataires, plus de 700 personnes ont été arbitrairement interpellées et sont maintenant détenues. Plusieurs manifestant·es ainsi qu’un agent des forces de défense et de sécurité ont été tué·es. Plusieurs dizaines de manifestant·es ont été condamné·es à de lourdes peines de prison. Ainsi, au tribunal de Dabou, 24 manifestant·es ont été condamné·es à 36 mois de prison ferme pour « troubles à l’ordre public ». À Abidjan, 26 manifestant·es ont été condamné·es à 36 mois d’emprisonnement ferme. 32 autres manifestant·es ont été condamné·es à Abidjan à trois ans de prison ferme pour « troubles à l’ordre public ».
L’Observatoire, la LIDHO, le MIDH et la CIDDH dénoncent ces violations flagrantes des droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifique, et rappellent que ceux-ci sont garantis par les articles 19 et 20 de la Constitution ivoirienne, ainsi que par les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la Côte d’Ivoire, notamment les articles 9 et 11 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, et les articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Les organisations signataires exhortent la Côte d’Ivoire à respecter ses engagements en faveur de la protection des défenseur.es des droits humains. En 2014, la Côte d’Ivoire est devenue le premier pays africain à se doter d’une loi portant promotion et protection des défenseurs des droits humains. Conformément à cette loi, au mois de mars 2022, la Côte d’Ivoire a mis en place un comité de protection des défenseurs des droits humains. En juin 2025, le Ministère de la justice et des droits de l’Homme ivoirien a intégré la représentation de la société civile au sein de ce comité, permettant ainsi de relancer ce mécanisme. Les organisations signataires appellent les autorités ivoiriennes à poursuivre ces efforts et à prendre des mesures concrètes, via le mécanisme existant, pour garantir la protection des défenseur.es des droits humains et de l’espace civique.
Les organisations signataires appellent les autorités ivoiriennes à garantir en toutes circonstances les droits et libertés fondamentales, y compris en période électorale et post électorale, et à tout mettre en œuvre pour garantir des élections libres, transparentes, inclusives et apaisées.
Les organisations signataires soulignent également la nécessité de protéger les défenseur·es des droits humains en cette période cruciale pour la démocratie ivoirienne, et de leur permettre d’exercer leurs activités essentielles d’observation et de documentation sans entraves ni crainte de représailles.
***
L’Observatoire, partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseur·es des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseur·es des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
La Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) est une organisation de la société civile œuvrant pour la promotion, la protection et la défense des droits humains en Côte d’Ivoire. Elle agit en faveur du respect des libertés fondamentales, de la justice sociale, de la démocratie et de l’État de droit à travers le plaidoyer, la sensibilisation, la formation et l’assistance juridique en faveur des personnes victimes de violations de droits humains. Elle intervient également dans le suivi des politiques publiques, le renforcement des capacités des acteurs de la société civile et la consolidation de la paix. Membre de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), jouissant d’un statut d’observateur de la CADHP, la LIDHO collabore avec de nombreux partenaires nationaux, régionaux et internationaux pour renforcer la protection des droits humains en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest. »
Le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) est une organisation non gouvernementale de droit ivoirien engagée dans la défense des droits humains par la promotion, la protection et la défense des droits reconnus, et la mobilisation à faire connaître de nouveaux droits. Le MIDH compte plus de trois cents (300) membres répartis sur l'ensemble du territoire national.
Pour la réalisation de ses objectifs, le MIDH se donne comme moyens d’actions, des interpellations, des déclarations, des plaidoyers, des dénonciations, des assistances juridiques et accompagnements judiciaires, des aides psychologiques et parfois médicales aux victimes des violations de droits humains. Le MIDH travaille sur plusieurs thématiques, telles que : les élections, la bonne gouvernance, l’éducation, la santé, la corruption, les violences basées sur le genre, ou encore l'environnement.
La Coalition ivoirienne des défenseures des droits humains (CIDDH), un regroupement d’Organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains a pour mission spécifique la promotion et la protection des droits des défenseurs des droits humains et de leurs libertés fondamentales. La CIDDH mène des actions dans le but de renforcer la protection des défenseurs, entre autres, le monitoring de la situation des défenseurs, et l’assistance aux défenseurs en danger.