Madagascar
30.09.25
Déclarations

Madagascar : répression d'une manifestation pacifique dénonçant les coupures d’eau et d’électricité

@ Aboodi vesakaran / Unsplash

Paris-Genève, 30 septembre 2025 – Le 25 septembre 2025, une manifestation pacifique organisée par la jeunesse malgache a été violemment réprimée à Antananarivo, la capitale. Les manifestant·es dénonçaient les incessantes coupures d’eau et d’électricité, ainsi que l’insécurité et la corruption généralisée au sein des élites politiques. L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains (un programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT) condamne fermement cette répression violente et appelle les autorités malgaches à respecter leurs obligations internationales et à protéger le droit de chacun·e à manifester pacifiquement.

Partie du quartier d’Ambohijatovo, dans le centre de la capitale, la manifestation -inédite de par son ampleur- répondait à un appel lancé sur les réseaux sociaux par la jeunesse malgache, relayé par des étudiant·es, des organisations de la société civile et des syndicats, contre les délestages d’eau et d’électricité – pouvant atteindre jusqu’à 12 heures par jour dans certains quartiers, mais aussi contre la corruption massive des institutions du pays et l’insécurité généralisée.

Les forces de sécurité ont violemment dispersé la manifestation -non autorisée par la préfecture d’Antananarivo à l’aide de gaz lacrymogènes, de matraques et de tirs de balles en caoutchouc, procédant à l’arrestation d’au moins trois manifestant·es, dont deux défenseurs des droits humains. Ces derniers ont été arrêtés, torturés, et privés d’accès à un·e avocat·e et à leurs proches, en violation flagrante du droit à la liberté de réunion pacifique et des garanties fondamentales de procédure. Plusieurs autres personnes ont été menacées d’arrestation. Une trentaine de personnes, -y compris des journalistes qui couvraient la manifestation- ont été blessé·es, dont dix grièvement. Certaines se trouvaient même à leur domicile lorsque des grenades lacrymogènes ont éclaté dans leur jardin. Un nourrisson serait également décédé des suites de l’exposition aux gaz lacrymogènes. Selon les Nations unies, au moins 22 personnes sont aussi décédées lors des pillages et violences survenus dans la nuit du 25 au 26 septembre, après la manifestation pacifique. A la suite de cette manifestation, nombreux.ses sont les défenseur·es des droits humains et jeunes manifestant.es qui continuent de recevoir des menaces et intimidations, pour les dissuader de poursuivre leur mouvement de contestation.

L’Observatoire rappelle que Madagascar est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté de réunion pacifique, respectivement en leurs articles 21 et 11. Toute restriction à ce droit doit être strictement nécessaire, proportionnée et prévue par la loi - des conditions manifestement absentes dans ce cas. La Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à la réunion pacifique et la liberté d’association s’est d’ailleurs publiquement inquiétée de la violente répression de la manifestation du 25 septembre.

L’Observatoire constate que l’espace civique à Madagascar est de plus en plus restreint. Ce nouvel acte de répression d’une manifestation pacifique illustre une tendance inquiétante à vouloir réduire au silence les voix critiques, en particulier celles de la jeunesse qui réclame transparence, bonne gouvernance et justice.

L’Observatoire appelle les autorités malgaches à garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de l’ensemble des manifestant·es pacifiques et des défenseur·es des droits humains dans le pays ; à respecter leurs garanties procédurales fondamentales telles que les observations finales du Comité des Nations unies contre la torture l’ont recommandé à Madagascar ; à ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur l’usage excessif de la force par les forces de sécurité – ayant conduit à de multiples blessures - et traduire les responsables en justice. L’État doit mettre fin de toute urgence aux pratiques généralisées d’intimidation et de harcèlement visant celles et ceux qui dénoncent la corruption et les abus de pouvoir commis par les autorités gouvernementales.