Sénégal
08.02.24
Déclarations

Sénégal : Le report des élections pose un risque de violations graves des droits humains

Longtemps considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, le Sénégal est entré depuis mars 2021 dans une crise politique qui menace les libertés fondamentales ©Shutterstock

Déclaration conjointe

Genève, Dakar, le 8 février 2024

La suspension du processus électoral par le Président Macky Sall le 3 février et la décision qui s’en est suivi du Parlement de reporter l’élection présidentielle ont plongé le Sénégal dans une nouvelle crise politique et constitutionnelle qui pourrait conduire à de graves violations des droits humains. L'Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) et la Coordination Régionale Mouvement pour la Sauvegarde des Droits de l'Homme (MSDH) invitent les autorités à préserver les droits civils et politiques de la population conformément à la constitution et aux traités internationaux ratifiés par le Sénégal.

L’élection présidentielle initialement prévue le 25 février a été reportée au 15 décembre après de nombreuses critiques concernant la transparence et l'équité du processus électoral. Cette décision, contestée par une partie de l’opposition et de la société civile, accroît le risque que de nouvelles mesures de répression soit prises à l’encontre des opposants.

C’est la première fois depuis 1963 qu'une élection présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal. Le pays, autrefois considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, est confronté depuis plusieurs années à une grave remise en question de ses institutions démocratiques et de l’Etat de droit. Les développements récents représentent une menace sérieuse pour les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques.

L’inquiétude porte sur les restrictions de plus en plus sévères imposées à la liberté d’expression, à la liberté d’association, à l’accès à internet et au droit de manifester pacifiquement, mis à mal ces derniers jours par des actions répressives. Au total plus de 150 personnes ont été arrêtées lors des manifestations du 4 et du 5 février et le pouvoir a ordonné la fermeture de la chaine de télévision privée WALFADJRI Sénégal. Ces exactions s’ajoutent aux milliers d’opposants politiques en détention depuis le mouvement de contestation du printemps 2021 qui a suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Entre 2021 et 2023, les force de sécurité ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques en ayant recours notamment aux tirs à balles réelles et aux gaz lacrymogènes. Au moins 37 personnes ont été tuées, 1000 autres blessées et plus de 1500 arrêtées, sans qu’aucune responsabilité ne soit établie.

Le retour à la stabilité ne peut se faire que par le respect des règles électorales et constitutionnelles garantissant à la population le droit de participer pleinement au processus politique, la liberté d'expression et un accès équitable aux médias.

L’OMCT et le MSDH appellent les autorités du Sénégal à engager un dialogue inclusif avec tous les acteurs politiques, la société civile et la communauté internationale afin de garantir la crédibilité et la légitimité du processus électoral. Cette démarche politique doit être précédée de la libération inconditionnelle de toutes les personnes détenues depuis le mois de mars 2021 dans le cadre de cette crise politique.

Contacts médias :

Organisation mondiale contre la torture
Francesca Pezzola, Directrice de la Communication
fpe@omct.org

Coordination Régionale du Mouvement pour la Sauvegarde des Droits de l'Homme
N’Djim Boubacar, Coordonnateur régional
msdh761@gmail.com