Bénin
08.12.15

Norbert: Mieux protéger les enfants pour rompre le cycle de la violence au Bénin






8 décembre, Cotonou(Bénin) – « Lorsque vous êtes né dans unefamille violente le premier héritage que vous ayez est celui de laviolence. » déclare Norbert Fanou Ako.

Ce militant, directeur de l’ONG Enfants solidaires d’Afrique et du monde(ESAM), s’efforce de briser le cercle vicieux de la violence au Bénin. La violenceest profondément enracinée dans les mœurs. Elle commence dans le foyer familialet à l’école sous forme de coups de fouet, de bastonnades, de gifles et autresmauvais traitements couramment infligés aux enfants, avant de s’étendre auxpostes de police où, pour leur arracher des aveux, des jeunes soupçonnés dedélinquance sont passés à tabac.

Si le Bénin a ratifié le Protocole facultatif serapportant à la Convention contre la torture en 2006, sa législation pénalen’inclut toujours pas le principe de l’interdiction absolue de la torture. Ilne proscrit pas le recours à cette pratique comme justification de l'exécutiondes ordres de la hiérarchie ni n’interdit l’utilisation d’aveux obtenus sous latorture.

En 2007, lors dudeuxième examen de la mise en œuvre de la Convention par le Bénin, le Comitédes Nations Unies contre la torture a recommandé aux autorités de veiller à ceque « la législation interdisant les châtiments corporels soit strictementappliquée » au sein de la famille, des écoles et des institutions autresque l’école, et de mener « des campagnes de sensibilisation et d’éducationen ce sens ».

Pourtant, rien n’a beaucoup changé depuis, en particulierpour les enfants en conflit avec la loi. Ceux-ci sont particulièrementvulnérables, alors que l’État devrait leur appliquer des dispositions spécialesafin de leur éviter des situations à risque et de protéger leur vie ainsi queleur intégrité physique.

En 2011, leSous-Comité pour la prévention de la torture, actuellement en visite dans lepays, a de nouveau appelé les autorités à prendre des mesures pour que : « lesenfants ne soient pas placés en garde à vue, si ce n’est véritablement endernier recours ; [qu’ils] ne soient pas détenus avec des adultes ; queleurs droits soient pleinement et clairement expliqués aux enfants d’unemanière facilement compréhensible ; que la famille ou une personne deconfiance soit immédiatement informée de la garde à vue de l’enfantconcerné ; qu’aucun enfant ne soit soumis à un interrogatoire sans qu’unadulte de confiance soit présent ; et qu’aucune entrave ne soit appliquéeà un enfant dans une cellule de garde à vue. »

Formé en gestion et ressources humaines, Norbert, 64 ans, essaie par lebiais de ce projet conjoint de ESAM et l’OMCT qui inclut des visites mensuellesdans les prisons civiles, des formations et des rencontres avec les autorités, dedisséminer des informations sur la Convention contre la torture, lesrecommandations du Sous-Comité pour la prévention de la torture et sur laConvention relative aux droits de l'enfant à l’ensemble des acteurs quiimpliqués dans la justice pour mineurs — avocats, magistrats, policiers, chefsde village et société civile.

« Tous doivent comprendre qu’il faut que les mineurs passent le moinsde temps possible en prison,» rappelle-t-il. « Il suffit de quelquesjours en prison pour marquer à jamais la vie d’un enfant ; c’est une bombeà retardement pour la société. »

Si les juges protègent de plus en plus les mineurs béninois, grâcenotamment aux actions d'organisations telles que l’ESAM et l’OMCT, l’énormedécalage qui existe encore entre les droits de l’enfant et leur mise en œuvreest, à son avis, dû essentiellement aux négligences de l’État en la matière.

Si les échanges d’information, la formation et les campagnes demobilisation constituent le socle de la protection des droits de l'enfant,Norbert estime que le dialogue entre les mineurs et leurs proches, lesquels onttendance à baisser les bras à leur égard trop facilement, constitue égalementun facteur-clé du processus visant à mettre fin au recours permanent à laviolence dans le pays.

Il rappelle qu'il incombe à l'État de prendre des sanctions efficaces àl’encontre des tortionnaires, de lutter contre la corruption et, plus importantencore, de résoudre le problème fondamental du développement économique etsocial du pays, faute de quoi les jeunes continueront d’aller en prison. Selonl’UNICEF, plus de 47 % de la population du Bénin se trouvait en dessous du seuilde pauvreté fixé à 1,25 dollar américain par jour entre 2007 et 2011.

Norbert conclut : « Quand on vit dans le dénuement total – cardans les États du Sud il y a toujours des enfants qui tendent la main – ondéveloppe des stratégies de survie. Ces enfants se disent parfois : "Aumoins en prison, j’aurai droit à un repas". »

-- Par Lori Brumat à Genève, traductionNicole Choisi.
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