Rapport annuel 2020
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Les femmes

Le Covid-19 a eu une incidence disproportionnée sur les femmes à travers le monde. Selon l’Organisation des Nations unies, plus de 240 millions de femmes et de fillettes ont été victimes de violence en 2020. Les mesures de confinement ignorant la dimension de genre ont contraint des millions de femmes à se confiner à domicile avec un partenaire violent. Le lien entre les victimes et les différents systèmes d’aide et de ressources a été rompu. Certains pays ont constaté une augmentation considérable de la violence conjugale, y compris des cas de violence sexuelle, de grossesse non désirée et de féminicide. Au lieu d’intensifier leur action en faveur des femmes en situation de risque, les services sociaux et les refuges ont été réassignés pour faire face à la pandémie. Les ressources allouées aux personnes victimes de violence, qui étaient déjà limitées, se sont encore amenuisées.

Dans la plupart des pays, la violence à l’égard des femmes était une problématique que la police, le pouvoir judiciaire et les services psycho-sociaux ne parvenaient pas à traiter, même avant 2020. La pandémie n’a fait qu’aggraver une situation déjà existante.

La police a cessé d'enquêter sur les cas de violence à l'égard des femmes et les tribunaux ont annulé des audiences ou ajourné des décisions.

L’année 2020 a permis une prise de conscience progressive par rapport aux conditions de détention dans les prisons. Les médias ont commenté les effets dévastateurs de la pandémie sur les prisonnier·e·s et plusieurs pays ont libéré des détenus. Toutefois, les détenues n’ont presque jamais bénéficié de ces mesures positives. Elles sont restées en prison et on leur a refusé l’accès à des produits d’hygiène de première nécessité. Les structures prévues pour les réunions en ligne ont été uniquement attribuées à des détenus de sexe masculin et on a retiré aux femmes la possibilité de voir leurs enfants. L’absence d’approches sensibles à la dimension de genre des mesures anti-Covid n’a fait qu’exacerber les conditions de détention inadaptées auxquelles sont soumises les femmes. Leurs effets néfastes auront probablement des conséquences à long terme.

Pour lutter contre l’augmentation des violences faites aux femmes en 2020, l’OMCT a réuni neuf organisations asiatiques expertes dans ce domaine, afin qu’elles effectuent des travaux de recherche et plaident en faveur des femmes et contre la torture dans la région. L’OMCT a également réalisé une mission en Amérique latine et rédigé un rapport sur la situation extrêmement précaire de 153 femmes et 13 enfants détenus dans la prison délabrée de Quetzaltenango, au Guatemala.

Au Burundi, le viol est utilisé comme une arme politique par les forces de l’ordre. Il touche à la fois les femmes et les hommes, dans le but de réprimer la dissidence. En collaboration avec un partenaire local, l‘OMCT a lancé une campagne sur les réseaux sociaux aux mois de novembre et décembre, qui lui a permis de venir en aide à plusieurs survivants grâce à son Fonds pour les victimes de torture.

En 2020, nous avons aussi connu quelques succès majeurs:

  • Après presque sept années de détention au Mexique, Monica Esparza a finalement été libérée au mois de mars. En collaboration avec Centro Prodh, le membre mexicain de son Réseau SOS-Torture, l’OMCT avait réalisé une campagne de plusieurs années en soutien à Monica, victime d’arrestation arbitraire, de viol et de torture commis par la police, et dont le mari avait été torturé sous ses yeux jusqu’à sa mort. Cette affaire emblématique est loin d’être un cas isolé: le viol et d’autres formes de torture perpétrées par les agents de l'État sont extrêmement courants au Mexique.
  • Au Kirghizistan, le membre du réseau de l’OMCT Spravedlivost a obtenu une victoire historique au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Comité CEDEF). En novembre, des membres du Comité ont reconnu l'État coupable de torture et de mauvais traitements d’une prisonnière. Le Comité a estimé que le fait que les infrastructures de détention ne tiennent pas compte des besoins spécifiques des femmes constituait une discrimination au sens de l’article 1er de la Convention CEDEF. Le respect de la vie privée et de la dignité des femmes détenues doit constituer une priorité pour le personnel pénitentiaire. L’OMCT a soumis un amicus curiae dans le cadre de cette affaire, en soulignant les obligations imposées par le droit international en matière de détention de femmes.

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Anésie et Délia

Anésie avait tout juste 18 ans lorsque le Burundi a basculé dans la violence. Quelques semaines après que son père, membre de l’opposition, a été enlevé et assassiné, des policiers ont enlevé Anésie sur le chemin de l’école et l’ont violée collectivement. Plus tard, lorsque les médecins lui ont annoncé qu’elle était enceinte, Anésie a tenté de se suicider en prenant du poison. Pour leur sécurité, sa famille les a envoyées à l’étranger, elle et sa mère, également survivante de viol motivé par des raisons politiques. Anésie a dû abandonner ses études et commencer à travailler pour pouvoir élever sa fille, qui a maintenant quatre ans. Grâce à l’OMCT, elle a pu ouvrir un petit commerce.

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