Rapport annuel 2021
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Covid-19 et détention

En 2021, la pandémie s’est prolongée dans le monde entier et a eu de terribles conséquences sur les personnes privées de liberté. Bien que certaines restrictions aient été levées, nombreuses sont celles qui sont encore restées en vigueur. Elles affectent les visites et l’accès des familles, des avocats et des organismes de suivi, notamment, et entrainent une augmentation considérable du niveau d’isolement des détenu·e·s par rapport au monde extérieur. Cette situation a énormément affecté le bien-être émotionnel des détenu·e·s, surtout les enfants, ainsi que leurs familles à l’extérieur des prisons. Elle a aussi rendu la détection et le signalement des cas de torture et d’autres mauvais traitements plus difficiles.

Malgré le risque particulièrement élevé qu’a représenté la pandémie du Covid-19 dans les lieux de détention, compte tenu de la surpopulation, des mauvaises conditions d’hygiène et du manque de soins de santé, qui constituent un terreau idéal pour le virus, les plans de décongestion des prisons initiés en 2020 n’ont pas donné les résultats attendus.

En décembre, nous avons participé à la modération d’un panel intitulé « Libertés fondamentales: enfermés pendant le confinement » lors du Forum UE-ONG, avec la FIACAT. Plusieurs partenaires, y compris les membres du réseau SOS-Torture et les membres du groupe d’action de crise Covid-19 organisé par l’OMCT, ont pris la parole pour aborder différentes problématiques, notamment la transparence/ suivi à la surpopulation/ décongestion et santé/ vaccination en détention.

Violations des droits des détenus en temps de pandémie

Dans de nombreux pays, les organisations des secteurs de la santé publique, des soins de santé et de la société civile ont dénoncé l’absence de données officielles, ou de données fiables et non manipulées sur le nombre de cas de Covid-19, les taux d’infection, les conditions de santé et le nombre de décès parmi les personnes privées de liberté. Une tendance similaire s’est dégagée lors des campagnes de vaccination dans les lieux de détention. En comparaison avec le reste de la population, la vaccination, lorsqu’elle était disponible, a été proposée tardivement aux personnes privées de liberté.

Pour faire face à cette crise et entamer des réformes à long terme, nous avons lancé un projet au niveau mondial afin de soutenir et de renforcer les capacités des organisations de la société civile dans 21 pays aux conditions difficiles et répondre ainsi à leurs besoins en matière de détention, de protection de la santé et au droit à ne pas être soumis à la torture pendant la pandémie. Ce projet international, financé par l’Union européenne, a également pour objectif de renforcer les actions locales et transrégionales afin de restaurer les systèmes de protection en détention.

Les efforts de notre réseau pour faciliter la vie dans les prisons

  • En collaboration avec le CACIT, membre de notre réseau, nous avons envoyé un courrier confidentiel au Président de la République du Togo, en l’exhortant à rétablir les visites familiales dans les établissements pénitentiaires du pays.
  • En Colombie, la Fundación Comité de solidaridad con los presos políticos (FCSPP) a publié un recueil de documents juridiques dans un langage simple, dans le but d’éduquer les personnes confrontées au système carcéral, qui contiennent notamment des exemples de plaintes et de solutions. Le recueil se termine par un chapitre dédié à la question des droits pendant la pandémie.
  • Au Mexique, Documenta, également membre de notre réseau, a lancé une nouvelle version de son chatbot Libertad, à présent disponible sur WhatsApp et Facebook. Ce logiciel facile à employer fournit des informations sur les documents nécessaires pour remplir des requêtes et des appels afin d’obtenir la libération de détenus. C’est un outil parfait pour les avocat·e·s et les personnes non initiées, qui peut même permettre aux détenu·e·s ou à leurs familles d’entreprendre toutes les démarches nécessaires sans avoir recours à un·e avocat·e, et économiser ainsi de l’argent.
  • Enfin, notre partenaire Justice Project Pakistan a élaboré un système de suivi des cas de Covid-19 dans les lieux de détention au niveau national, en plus de son travail pour faire libérer les détenu·e·s les plus vulnérables.
La vaccination, lorsqu’elle était disponible, a été proposée tardivement aux personnes privées de liberté.
  • Dans le cadre de ce projet, l’un des membres de notre réseau SOS-Torture au Nigeria, PRAWA, a organisé des ateliers virtuels adressés aux responsables du bien-être dans les centres de détention afin de les sensibiliser à l’importance des visites familiales pour les détenu·e·s. PRAWA a piloté l’installation d’un sas de désinfection dans l’un des plus grands établissements pénitentiaires du Nigeria afin de garantir un accès sûr aux familles des détenu·e·s, aux avocat·e·s et aux ONG. Une première dans le pays.
  • Aux Philippines, des représentant·e·s d’organisations de la société civile et d’agences gouvernementales ont participé à un Sommet national sur la détention, sur le thème « Pour des soins compatissants derrière les barreaux », organisé en octobre. Il a permis d’aborder diverses problématiques, dont la santé mentale en prison et l’impact du Covid-19, les fragilités des enfants en détention, la congestion des prisons, la torture et les mauvais traitements. Une liste de recommandations a été adoptée, dont nous veillerons à la mise en œuvre avec nos partenaires.
  • En Amérique latine, le sujet a été soumis à la Commission interaméricaine des droits de l’Homme, qui a organisé une audience sur la situation des personnes privées de liberté en Amérique dans le contexte de la pandémie, le 28 octobre. L’évènement a été organisé par le Groupe d’intervention judiciaire d’Amérique latine, composé de 17 organisations de la société civile originaires de 10 pays, rassemblées par l’OMCT. Les membres de la Commission ont visionné des témoignages vidéo de plusieurs membres de familles de détenu·e·s, qui faisaient aussi partie d'une campagne médiatique autour de l’audience. Les organisations ont exhorté la Commission interaméricaine à publier de nouvelles lignes directrices et à dénoncer plus activement les restrictions en vigueur et la dégradation des conditions de détention dans le cadre de la pandémie.