Rapport annuel 2021
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Les migrant·e·s

En 2021, les restrictions liées au Covid-19 mises en œuvre dans le monde entier ont eu un impact disproportionné sur la mobilité des réfugié·e·s et des migrant·e·s, accroissant davantage leur vulnérabilité face à la torture et aux mauvais traitements.

Les autorités grecques ont par exemple renvoyé de force plus de 7.000 migrant·e·s en Mer Méditerranée, en ignorant la nécessité de dépôt de demandes d’asile et en les soumettant dans certains cas à des actes de torture. Le groupe de travail sur la migration et la torture de l’OMCT et le Greek Helsinki Monitor (GHM) ont lancé un appel urgent au rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’Homme des migrants, en l'encourageant à exhorter les autorités grecques à enquêter sur les cas de refoulement et les allégations de torture commises par les forces de l’ordre.

Torture sur les routes migratoires africaines

Le groupe a également publié une note de plaidoyer à l’aube du 34ème sommet de l’Union africaine, en février, invitant les chefs d’État à considérer les actes de torture et les mauvais traitements à l’encontre des migrant·e·s comme une priorité, notamment en Libye, au Sénégal et au Niger.

En décembre, après avoir documenté plusieurs actes répétés de torture à l’encontre de migrant·e·s, l’OMCT a publié une recherche collective sur la torture et la migration en Afrique. Cette recherche a été réalisée dans 10 pays : au Niger, au Tchad, en Tunisie, au Kenya, en Ouganda, au Mali, au Soudan et au Sénégal, ainsi qu’en Italie et en Espagne. Le rapport, intitulé Les routes de la torture – Le cycle d'abus contre les personne en situation de déplacement en Afrique, montre que la torture contre les migrant-e-s est centrale est systémique à chaque frontière, point de contrôle, et lieu de détention, et ce aussi bien de la part des États que des acteurs non étatiques. Les témoignages de 250 personnes, déplacé-e-s internes, réfugié-e-s, demandeur-se-s d’asile et autres migrant-e-s, représentants étatiques ou de la société civile, démontrent qu’il y a une importante lacune de protection dans les politiques et les pratiques, qui devrait être traitée de toute urgence.

Le rapport conclut que les migrant-e-s sont vulnérables à la torture et devraient être protégé-e-s par les États, que ce soit en Afrique ou en Europe, notamment en augmentant de manière significative les voies légales et sûres vers l’Europe, au travers de la réinstallation, les admissions humanitaires, l’octroi de l’asile, les réunions de famille, la mobilité du travail et d’autres approches. Pour endiguer la torture des migrant-e-s, le trafic et la traite de personnes, les États devraient s’assurer que tous les accords, politiques et partenariats liés à la migration incluent une solide composante de droits humains. La lutte contre la torture et autres mauvais traitements devrait devenir un objectif spécifique.

Les routes de la torture a été officiellement lancé à Dakar avec les membres de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, des diplomates européens et des journalistes en charge de la région de l’Afrique de l’Ouest.

Eu égard au besoin d’une approche collective pour remédier aux schémas de torture documentés sur les routes migratoires, les organisations membres du réseau SOS-Torture de l’OMCT en Afrique se sont réunies à plusieurs reprises afin d’examiner les différentes tendances observées dans leurs pays et de plaider pour une meilleure protection des migrants. En novembre, les membres du groupe de travail sur la migration et la torture ont fait un compte-rendu au Comité des Nations unies contre la torture et au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture au sujet des lacunes existantes en matière de protection et des opportunités qu'offrirait un cadre international contre la torture. Le groupe s'est aussi réuni au Sénégal du 30 novembre au 2 décembre afin d’élaborer une stratégie collective de plaidoyer et de campagne sur la protection des migrant·e·s victimes de torture en Afrique.

Criminalisation des défenseur·e·s des droits des migrant·e·s en Europe

De l’autre côté de la Méditerranée, les politiques visant à dissuader la migration et à sceller les frontières continuent de l’emporter sur l’obligation du respect des droits humains et l’impératif de sauver des vies, aussi bien au niveau européen que des différents États membres. En 2021, l’OMCT a publié un rapport intitulé Europe: Open Season on Solidarity (Europe: la chasse à la solidarité est ouverte), qui documente les attaques et les restrictions croissantes dont sont victimes les organisations de défense des droits humains et les militant·e·s qui défendent les droits des migrant·e·s en Europe.

Dans 24 des 27 pays membres de l’Union européenne, ainsi qu’en Suisse, le fait de faciliter l’entrée et le transit d’un·e migrant·e constitue actuellement un délit pénal, même lorsqu’il n’y a aucun but lucratif, comme lors de sauvetages dangereux en haute montagne. Comme le montre le rapport, des citoyen·ne·s solidaires sont contraint·e·s de payer des amendes et certain·e·s sont même emprisonné·e·s pour avoir sauvé des vies. Les plus touchés sont ceux qui défendent les droits des migrant·e·s les plus vulnérables qui fuient des situations difficiles dans leurs pays, sont issu·e·s de minorités ethniques ou disposent d’un faible statut socio-économique.

Tous ces obstacles administratifs et criminels ont un effet dissuasif sur les militant-e-s et les organisations sociales, les forçant à repenser la poursuite ou non de leurs activités. Les institutions européennes ne parviennent pas à prendre des mesures décisives et à appliquer des politiques axées sur les droits humains qui mettraient au centre la dignité et l'humanité des personnes en déplacement.

Le rapport appelle les autorités et les institutions européennes à prendre toutes les mesures disponibles pour créer un environnement positif pour ceux qui défendent les droits humains des migrants et à se concentrer sur le changement de l'approche actuelle de la migration vers une approche centrée sur les droits humains, tout en supprimant les obstacles administratifs au travail de la société civile. Cela pourrait inclure la promotion de routes migratoires légales, l'abandon de la logique d'externalisation du contrôle des frontières et la réalisation de campagnes de sensibilisation avec des messages positifs sur la population migrante qui reconnaissent également le rôle de la société civile dans la défense et la promotion des droits humains et de l'État de droit.

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