Rapport annuel 2021
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En quête de justice

5 victoires historiques sur 4 continents

2021 fut une année de victoires importantes pour les victimes de torture et d’autres mauvais traitements au niveau international, même si l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes demeure endémique partout dans le monde. L’impunité était le sujet de notre note explicative remise au rapporteur spécial sur la torture en mai, avant l’élaboration d’un nouveau rapport qui a souligné les principaux obstacles à la reddition de comptes dans les cas de torture.

La Cour interaméricaine a ordonné au Salvador de réparer intégralement les torts causés à la famille de Manuela

El Salvador

En mai, avec l’aide de notre Groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture d’Amérique latine (Grupo de Litigantes contra la Tortura), nous avons déposé un amicus curiae auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme dans l’affaire Manuela et autres contre le Salvador. Le rapport portait sur les implications de la criminalisation d’une fausse couche et le décès subséquent de Manuela suite à des conditions de détention inhumaines. Les détails de l’histoire de Manuela sont disponibles sur notre blog.

Dans une décision historique émise le 30 novembre, la Cour interaméricaine des droits de l’Homme définit, pour la première fois, des normes contre la criminalisation des femmes cherchant à obtenir des soins de santé reproductive, avortement inclus, dans la région. Le jugement a estimé que le Salvador avait violé de nombreux droits, y compris le droit à ne pas être soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, à travers une perspective sexospécifique, et a ordonné au pays de réparer intégralement les torts causés à la famille de Manuela.

Honduras et Guatemala

En novembre, deux officiers de l'armée du Honduras qui avaient torturé et abusé sexuellement une jeune femme en 2019 ont été condamnés à neuf ans de prison. Nous avons soutenu le Centro para la Prevención, Tratamiento y Rehabilitación de la Tortura (CPTRT), membre de notre réseau et également membre du Groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture d’Amérique latine, qui a défendu la victime.

Nous avons contribué à un amicus curiae conjoint dans l’affaire Bernardo Caal, un défenseur des droits humains autochtones au Guatemala qui avait été condamné à sept ans et quatre mois de prison pour avoir mené un mouvement d’opposition pacifique contre la construction d’une centrale hydroélectrique sur la rivière Cahabón.

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crimes inscrits dans le Code pénal sont passibles de la peine de mort au Pakistan

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personnes se trouvent dans le couloir de la mort au Pakistan

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personnes ont été exécutées depuis 2014 au Pakistan

Pakistan

En février, la Cour suprême pakistanaise a rendu une décision historique en jugeant que la peine capitale ne pouvait s’appliquer aux personnes atteintes de graves maladies mentales. Le Justice Project Pakistan, membre de notre Groupe d’intervention judiciaire SOS-Torture en Asie, avait dénoncé les peines de trois prisonniers atteints de schizophrénie. La Cour suprême a commué leur peine de mort en prison à perpétuité, et ils ont été envoyés dans un centre de santé mentale. En 2014, après six ans de moratoire, le Pakistan a repris les exécutions capitales.

Moldavie et Bélarus

Le 29 juin, la Cour européenne des droits de l’Homme a constaté que deux membres de l’organisation moldave de défense des droits humains Promo-LEX, membre de notre réseau SOS-Torture, avaient été détenus illégalement par des soldats russes dans la région de Transnistrie, en Moldavie. Ce sont les requérants eux-mêmes, avec notre soutien, qui ont porté l’affaire devant les tribunaux. Il s’agit d'un jugement historique en termes de responsabilité des forces de l’ordre dans des cas de violations de droits humains et de protection des défenseur·e·s des droits humains.

En novembre, le European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), en collaboration avec l’OMCT, a déposé plainte auprès du Procureur général allemand à l’encontre de six membres nommés de haut niveau des services de sécurité du Bélarus pour crimes contre l’humanité.

Togo et Cameroun

En octobre, la Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a condamné le Togo à dédommager une femme qui avait été victime de violences à caractère sexiste dans le cadre d’une manifestation en septembre 2017, et à mener une enquête immédiate et efficace. C’est le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) qui a plaidé cette affaire, avec l’aide du Groupe d’intervention judiciaire en Afrique.

Il convient aussi de souligner que plusieurs plaintes ont été déposées en 2021 auprès des experts des Nations unies en charge du suivi du respect des obligations qui incombent aux États membres en matière de droits humains. Le Center for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA) et le Groupe d’investigation judiciaire SOS-Torture en Afrique ont déposé une plainte contre le Cameroun auprès du Comité des Nations unies contre la torture (CAT). La plainte concerne un citoyen camerounais anglophone victime d’actes de torture commis par les forces de l’ordre en 2019. Il était accusé, à tort, de complicité avec des groupes armés séparatistes. L’affaire vise à obtenir ce qui serait la première décision du CAT à l’encontre du Cameroun. En outre, les avocat·e·s de ce même Groupe d’investigation judiciaire ont remis deux affaires contre le Burundi au CAT, au nom de plusieurs victimes de la répression de 2015. Les victimes avaient été arrêtées et torturées par les services de renseignement, tout en étant détenues au secret, ou avaient subi un usage hors détention de la force, avec un recours à des armes mortelles au cours d'opération policières.

"J'espère que mon pays changera pour que personne ne subisse ça"

Madame S a été battue lors d'une manifestation. Accompagnée par notre groupe de litigateurs, elle a porté plainte auprès des instances internationales. Dans une victoire historique, le Togo a été condamné à lui verser des réparations.

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